La triste « belle époque »
La chute de l’Empire, la destruction des Tuileries et l’éloignement du pouvoir auraient pu marquer pour le Louvre le triomphe du musée. En réalité, le début de la IIIe République est une période difficile pour l’institution. Le palais est envahi par de nombreuses administrations dévoreuses d’espaces, en particulier le ministère des Finances qui occupe tous les locaux de l’ancien Ministère d’Etat (qu’il ne quittera qu’en 1986). En 1905, l’Union centrale des arts décoratifs – une association dont le but est de promouvoir les arts appliqués – obtient la concession du pavillon de Marsan et d’une partie de l’aile attenante qu’elle occupe toujours aujourd’hui. Par ailleurs, le musée ne dispose que de faibles crédits dans un contexte de concurrence accrue sur le marché de l’art entre les grandes institutions européennes. Deux événements malheureux semblent résumer cette période délicate : l’achat en 1896 de la tiare de Saitapharnès qui se révèle être un faux et le vol de la Joconde en 1911.
Ces difficultés ne doivent pas faire oublier d’autres avancées : la présentation à partir de 1883 de la Victoire de Samothrace au sommet de l’escalier Daru, la création d’un fonds d’acquisition pour les grands musées et aussi d’un organe de mutualisation de leurs moyens et besoins : la Réunion des musées nationaux. Les conservateurs du musée ont également la possibilité par la création de l’école du Louvre de faire connaître et de diffuser leurs recherches. L’ambition universaliste du Louvre se poursuit en particulier grâce à l’acquisition de généreux donateurs : Ernest Grandidier donne en 1894 sa collection d’objets chinois et japonais (aujourd’hui présentée au musée Guimet) et le legs de la baronne de Gléon en 1912 permet de créer une section d’art islamique (qui n’ouvrira qu’après la Première Guerre Mondiale).
Le temps des grands administrateurs : de Verne à Malraux
Après la Première Guerre mondiale, durant laquelle une partie des collections du Louvre a été évacuée dans le Midi de la France, le Louvre fait l’objet de plusieurs grands programmes de réaménagement.
Durant l’entre-deux-guerres, le directeur Henri Verne met en place un plan ambitieux et rationnel de redéploiement des collections et de modernisation de salles. Le Louvre électrifié est désormais visitable la nuit. Les salles sont réattribuées aux différents départements du musée pour créer des parcours plus cohérents. Les circulations sont facilitées par le percement de passages souterrains sous les guichets de la Cour Carrée pour permettre de circuler à rez-de-chaussée sans avoir à sortir du bâtiment. Pour la première fois de son histoire, le musée dispose d’un point d’accueil centralisé pour le public, installé dans la salle du Manège où on peut acheter son billet, mais aussi réserver des conférences ou acheter les publications et des reproductions des œuvres du musée. De nouveaux espaces sont également alloués au rez-de-chaussée de l’aile de Flore pour les sculptures et les antiquités égyptiennes et dans la cour du Sphinx, qui est la première cour du Louvre à être couverte par une verrière, pour la présentation de la collection d’antiquités grecques. Le champ des sujets présentés au Louvre est également resserré avec la création de nouveaux musées destinés à accueillir les collections que le palais ne peut plus héberger (musée de la Marine et musée Guimet).
La Seconde Guerre mondiale interrompt ce programme. Paris est occupé et le musée ouvert à la demande des autorités. Il est néanmoins en grande partie vidé de ses œuvres, envoyées par mesure de protection en province. L’occupation allemande oblige à affecter plusieurs salles du Louvre et l’ensemble du musée du jeu de Paume dans le jardin des Tuileries pour les activités de spoliation des collections juives menées par les nazis. Cette situation permet cependant aux autorités françaises et en particulier au directeur des musées nationaux Jacques Jaujard de se tenir informé des exactions commises, en particulier par l’intermédiaire de Rose Valland, responsable du jeu de Paume.
Après 1945, Georges Salles poursuit la mise en œuvre du plan Verne et les travaux connaissent un regain d’activité sous l’autorité du premier ministre de la Culture André Malraux (1958-1969) qui permet au musée d’occuper le pavillon de Flore, jusqu’alors dévolu temporairement au ministère des Finances. Celui-ci est également soucieux du caractère palatial du Louvre dont il fait nettoyer les façades. Entre 1964 et 1966, on restitue sur son ordre le fossé prévu au pied de la Colonnade mais qui n’avait jamais été réalisé.
Le Grand Louvre et aujourd’hui
Le Grand Louvre
Le « Grand Louvre » voulu par le président François Mitterrand marque le triomphe du musée qui occupe enfin presque tout l’édifice (à l’exception de l’aile Marsan toujours dévolue aux Arts décoratifs) après le départ prévu du ministère des Finances.
Les objectifs du Grand Louvre ne sont pas sans rapport avec le plan Verne. Il faut accueillir le visiteur. Pour cela, un espace centralisé est créé en sous-sol au cœur de la cour Napoléon, il est surmonté par une pyramide de verre qui joue un rôle de signal urbain, œuvre de l’architecte Ieoh Ming Pei inaugurée en 1989. Les espaces libérés par le ministère des Finances permettent un redéploiement des collections dans une nouvelle aile, dite Richelieu, organisée autour de trois cours qui sont couvertes par des verrières modernes, conçues par Pei et Macary. Elle est inaugurée en 1993. Les derniers aménagements du Grand Louvre sont achevés en 1997.
La muséographie, dirigée par Pei ou par des décorateurs d’intérieur comme Jean-Michel Wilmotte, adopte un parti moderne, confortable et discret face aux œuvres. Dans les salles des objets d’art du premier étage, une attention particulière a été portée au dessin et à la disposition des vitrines. Au deuxième étage, l’éclairage zénithal est retravaillé par des déflecteurs qui filtrent la lumière naturelle et dissimulent un éclairage d’appoint complémentaire. Pour présenter le cycle de la vie de Marie de Médicis peint par Rubens, un décor particulier encadrant les tableaux a cependant été mis en place. D’aspect post-moderne, il tente de retrouver, au travers d’éléments résolument modernes, l’esprit de la présentation ancienne.
Après le Grand Louvre
À partir de 1993, le musée gagne en autonomie en devenant établissement public. Il a désormais son propre directeur alors qu’il était jusqu’alors placé sous l’autorité directe du directeur des musées de France. Le développement du musée est marqué par la création du département des Arts de l’Islam pour lequel l’architecte Rudy Ricciotti couvre la cour Visconti d’une structure en verre et en métal ondulante. Sous la présidence d’Henri Loyrette (2001-2013), le musée a également connu un important développement hors de ses murs avec la création d’une antenne à Lens et l’aide à la formation d’un nouveau musée : le Louvre Abu Dhabi.