Denon 1er étage - salle 702
1788
Saisie révolutionnaire de la collection du comte d’Artois
H. : 1,46 m. ; L. : 1,81 m.
Le tableau est une commande pour le pavillon de Bagatelle du comte d’Artois, futur Charles X. Edifié très rapidement à la suite d’un pari entre Marie-Antoinette et le frère du roi, il s’agissait d’un lieu consacré à des aventures galantes. Le sujet choisi est donc tout à fait approprié !
Une œuvre surprenante de la part de David ? Observation et comparaison
A quel type de personnages le peintre s'intéresse habituellement ?
Les élèves sont invités à regarder en parallèle le tableau voisin, La douleur d'Andromaque, morceau de réception à l’Académie, qui fit l'unanimité du jury en 1793. Véritable manifeste du néoclassicisme, la toile semble plus conforme à ce que l’on attend de David. Et en effet, les sujets semblent opposés…
- Les élèves sont invités à identifier les personnages ;
- Ils comparent ensuite :
o Hector et Pâris
Hector, grand guerrier mort au service de sa patrie, apparaît ici livide et tendu dans une raideur cadavérique ; on remarque, au premier plan la présence d’armes disproportionnées, ainsi que la couronne de laurier qui ceint la tête du défunt.
Pâris, galant musicien tenant sa lyre, à la carnation lumineuse et à l’attitude gracieuse semble s’y opposer. Point d’armes, mais le bonnet phrygien et une élégante chlamyde.
Ce Pâris Alexandre est certes « beau comme un dieu » et on se souviendra qu’Homère l’appelle le plus souvent « Alexandre pareil aux dieux » (Ἀλέξανδρος θεοειδής).
Mais c'est aussi le « bellâtre, coureur de femmes » (εἶδος ἄριστε,γυναιμανές) interpellé par Hector qui lui reproche sa lâcheté face à Ménélas (Iliade, III, 39).
o Andromaque et Hélène
Andromaque : veuve éplorée, modèle même de la fidélité conjugale par-delà la mort.
Hélène : l’épouse infidèle par excellence, à l’attitude lascive, dont le chitôn transparent dévoile l'épaule.
Deux formes d’amour s’opposent, l’amour conjugal dont le fruit est le petit Astyanax et un amour sensuel et stérile. On remarque d’ailleurs que les deux couples, - d’un côté la mère et l’enfant qui semble vouloir la consoler, de l’autre les deux amants – s’intègrent dans un même triangle lumineux.
Deux courants d’exploitation de la mythologie sont ici côte à côte : la mythologie héroïque et la mythologie galante, héritée du XVIIIe siècle.
Une œuvre néoclassique
Toutefois le tableau de David est bien néoclassique par son traitement, le choix d’une composition en frise, la présence du rideau qui théâtralise la scène et le souci du détail « vrai » dans l’architecture et le mobilier. Ces derniers révèlent le goût pour l’archéologie antique et le détail vrai - ou apparemment vrai - qui s’est développé après la découverte des sites de Pompéi et Herculanum.
On demande aux élèves d’observer avec attention le décor de ce mobilier, en attirant si besoin leur attention sur ces détails :
- Léda et un cygne ornent le lit. Pourquoi ? (Léda est la mère d'Hélène, séduite par Zeus).
- Des cygnes sont également présents sur l’athénienne qui se trouve à droite. C'est là un petit meuble bien néoclassique, puisque son nom vient d’un tableau de Vien représentant une jeune Athénienne brûlant de l'encens sur un trépied...
- Sur la lyre une représentation du jugement de Pâris évoque la cause de la guerre.
- La déesse victorieuse Aphrodite est-elle présente ? (sa statue orne une colonne ; les élèves sont invités à mémoriser la position de la déesse).
- Existe-t-il des indices de la présence d’Eros ? (Il est représenté par son attribut, le carquois. Il est beaucoup plus difficile de l’identifier, en compagnie de Psyché, dans le bas-relief à demi dissimulé par la draperie, sur la droite).
- Des statues féminines font office de colonnes en arrière-plan. Après avoir rappelé le terme « cariatide », on demande aux élèves de quel célèbre monument David peut s’être inspiré : pour peu que l’on ait en classe évoqué l’Acropole d'Athènes, ils citeront l’Erechtéion... Qu’ils observent bien, cependant, la statue de droite...
Quel épisode de l’Iliade David a-t-il choisi de représenter ?
Hélène vient de rejoindre Pâris, sauvé par Vénus qui l’a enveloppé d’une nuée et emmené dans sa chambre « odorante et parfumée », alors qu’il était en passe d’être tué par Ménélas. On rappelle que dans cet extrait du chant III, qui a été lu en classe, Hélène, après s’être rebellée contre Aphrodite, « détourne les yeux » de Pâris, lui reproche vertement sa lâcheté, et ne lui cède qu’à contrecœur.
L’attitude des amants reflète-t-elle cette réticence ?
Pâris regarde amoureusement une Hélène, qui, si elle ne détourne pas les yeux, les baisse et semble plutôt réticente. Il la tient fermement par le bras : elle apparaît comme sa possession, un bien qu’il a en quelque sorte gagné sur le mont Ida.
L’attitude, gracieuse au demeurant d’Hélène, est surprenante. Si elle ne s’appuyait sur l'épaule de Pâris, comme sur un pilier, elle tomberait... Les élèves sont invités à tenter de reproduire sa position et à la mémoriser.
Que peut-on en déduire concernant la culpabilité d’Hélène ?
Le peintre ne semble pas donner de réponse bien tranchée et laisse planer l'ambiguïté.
Photographier l’œuvre (globalité et détail)
Citation pouvant être associée : les paroles que Pâris adresse à Hélène (Iliade, III, vers 441 et 442, traduction de Paul Mazon, « Les Belles Lettres ») :
« Allons ! couchons-nous et goûtons le plaisir d’amour. Jamais encore le désir n’a à ce point enveloppé mon âme. »
« Ἀλλ' ἄγε δὴ φιλότητι τραπείομεν εὐνηθέντε
οὐ γάρ πώ ποτέ μ'ὦδε γ' ἔρως φρένας ἀμφεκάλυψεν ».