Nouvelles fouilles dans le Sanctuaire de Ba‘l Hamon et de Tanit à CarthagePremiers résultats concernant les ossements humains et animaux brûlés contenus dans les urnes

24 Mai 2023

Nouvelles fouilles dans le Sanctuaire de Ba‘l Hamon et de Tanit à Carthage

Premiers résultats concernant les ossements humains et animaux brûlés contenus dans les urnes

Conférences12H30

24 Mai 2023

à 12h30
Par Imed Ben Jerbania, Institut national du patrimoine (Tunis)


Dans la recherche archéologique sur le monde phénicien et punique, les sanctuaires dédiés aux divinités Ba‘l Hamon et Tanit dits tophets occupent une place de prédilection. Le lien de ces aires sacrées avec le rituel des sacrifices d’enfants, attesté dans la Bible et par les sources littéraires, suscite encore aujourd’hui des débats. Curieusement, c’est dans les sites de l’Occident méditerranéen que ces aires à ciel ouvert, ceintes ou séparées de l’aire profane par une configuration particulière du terrain, furent mises au jour. Elles sont actuellement connues en Afrique du Nord (Carthage, Sousse), en Sardaigne (Sulcis, Tharros, Monte Sirai, Bithia, Nora et Cagliari) et en Sicile (notamment à Motyé). En revanche, aucun tophet n’a pour le moment était découvert dans la péninsule Ibérique, à Ibiza, Lixus (Maroc), et à Utique (Tunisie). Si leur absence a été également soulignée dans les différents sites proche-orientaux, les récentes découvertes à Chypre, plus précisément à Amathonte et Kition, ont montré que le dossier des tophets en Orient est loin d’être définitivement clos. La vocation essentielle des tophets consiste avant tout en l’accueil des urnes contenant des ossements incinérés d’enfants ou d’animaux (notamment des restes d’ovinés, mais aussi de volatiles ainsi que d’autres espèces) ou parfois les deux ensembles. Couvertes par un lut d’argile ou par un vase en céramique, ces urnes renferment aussi des petits objets, tels que des amulettes ou des bijoux.

Pour signaler ces dépôts, les dédicants ont érigé des stèles dont l’usage durant les premières phases d’occupation du site n’était que facultatif. Durant la phase punique tardive, surtout à partir de 146 avant notre ère, date de la destruction de Carthage, ces monuments votifs ont connu une grande diffusion en Afrique du Nord.

Immortalisé par Gustave Flaubert dans son roman Salammbô (1862), le sanctuaire de Ba‘l Hamon et de Tanit à Carthage est devenu réalité en 1921 lorsque F. Icard et P. Gielly ont découvert non loin des ports puniques un terrain jonché de cippes, de stèles épigraphes et anépigraphes, et d’urnes cinéraires contenant des ossements d’enfants. Cette pratique a été mise en lien avec les textes classiques et les passages bibliques mentionnant les sacrifices d’enfants pratiqués par les Carthaginois et plus largement les Phéniciens. Cette thèse traditionnelle qui s’est constituée depuis Clitarque et Timée, jusqu’à Flaubert en passant par Diodore de Sicile, a amplement dominé le milieu académique jusqu’aux années 80 du siècle dernier. Le criticisme le plus décisif à l’égard de cette thèse a été formulé à partir de 1987 lorsque des chercheurs comme H. Bénichou-Safar et S. Moscati ont considéré ce type de sanctuaire comme un espace funéraire réservé à des périnataux et à de très jeunes enfants morts naturellement.

Cette controverse entre les deux thèses, favorables et contraire à l’idée du sacrifice cruel, montre la difficulté de progresser dans le dossier des sanctuaires dits tophets . Pour sortir de cette phase de stagnation substantielle, il faut revenir au terrain pour l’interroger à nouveau. Seules les nouvelles fouilles micro-stratigraphiques, qui visent à scruter les gestes humains à partir des traces laissées dans le sol, permettent de mieux comprendre la dynamique fonctionnelle du sanctuaire et d’établir des connexions entre ses différents éléments attestés, notamment entre la stèle et l’urne. C’est dans cet esprit qu’une équipe de chercheurs et de conservateurs de l’Institut National du Patrimoine et des doctorants de l’Université de Tunis a repris les travaux dans cette zone sacrée de Carthage, d’abord à partir de 2012 avec des sondages de sauvetage, puis dès 2014 à travers une fouille programmée. L’objectif est d’identifier les différentes séquences stratigraphiques qui témoignent des changements et de l’évolution en extension et en profondeur qu’a connus cette aire sacrée. Ce travail de terrain est accompagné par un examen en laboratoire du contenu des urnes assuré par une équipe d’anthropologues et d’archéozoologues dans le cadre d’une coopération internationale entre la Tunisie, l’École française de Rome et le Centre des Études Phéniciennes et Puniques de Madrid. Dans cette conférence, nous présentons les principaux résultats de ces nouvelles fouilles.

Imed Ben Jerbania est chercheur à l’Institut National du Patrimoine de Tunis depuis 2005. Actuellement, il est maître de recherche (Dr. Hdr), chef de la section des sites phéniciens, puniques et libyens de Tunisie et directeur du site archéologique d’Utique. Après une maîtrise en Histoire à la faculté des Sciences Humaines et Sociales de Tunis, Imed Ben Jerbania a commencé son parcours scientifique en archéologie par l’obtention en 1998 d’un Diplôme d’Études approfondies, puis en 2005 d’un Doctorat de troisième cycle en archéologie, histoire et civilisations de l’Antiquité et du Moyen Âge de l’Université de Provence Aix-Marseille I dont le sujet porte sur « les lampes antiques de Tunisie de la fondation de Carthage jusqu’au début de l’empire romain». Depuis qu’il a intégré l’Institut National du Patrimoine, Imed Ben Jerbania a travaillé sur de nombreux sites archéologiques du nord-est et du Sahel tunisien, tels que Thysdrus, Uthina et Carthage. Aujourd’hui, il dirige et codirige des projets de fouilles tunisiennes et de coopération internationale (avec l’Université d’Alméria en Espagne et l’Université d’Oxford) sur le site d’Utique. Parallèlement, il a entrepris en 2014 les fouilles dans l’aire sacrée de Ba‘l Hamon et de Tanit à Carthage conventionnellement nommée tophet par les archéologues.  

Les travaux et publication du Dr. Ben Jerbania portent principalement sur l’étude des aspects économiques et culturels de la présence phénicienne et punique en Tunisie et dans la Méditerranée centrale et occidentale.

Imed Ben Jerbania est membre du comité de plusieurs revues spécialisées dans les études phéniciennes et puniques ; il est également membre du comité de transition du congrès international des études phénicienne et punique et membre du comité chargé de l’élaboration du programme scientifique du nouveau musée de Carthage.

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Nouvelles fouilles dans le Sanctuaire de Ba‘l Hamon et de Tanit à Carthage. Premiers résultats concernant les ossements humains et animaux brûlés contenus dans les urnes.

Conférence du 24 mai 2023

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