De choses et d'autres
25 Novembre 2022
De choses et d'autres
25 Novembre 2022
Par Marianne Alphant
Cycle de conférences : « La trace sensible des choses »
Les Choses. Une histoire de la nature morte - En lien avec l'exposition
Le réel, disait Lacan, c’est quand on se cogne. La chose, dirons-nous, c’est quand on la perd, qu’on la cherche, que son nom échappe. Ou à l’inverse, quand on la trouve, qu’on la tient, qu’on la soupèse : la voici sale, usée, n’importe, on y tient.
D’où vient l’attachement aux choses ? Muettes, inertes, sans vie ni souffle, elles semblent d’un autre monde et c’est pourtant le nôtre : bricoles, breloques, gadgets, accessoires. Des détails, des riens, des fonds de tiroir : un paquet de neuf petites clés, un étui de galuchat, des pantoufles rouges d’avocat, vingt-sept gants, un entonnoir, un petit pot de faïence brune, une moitié de carte à jouer, des jarretelles à ressort, un sac de clous, un manteau troué par un poignard, un bouchon d’or émaillé de bleu, une pelote à épingles, une serviette de cingalette verte, un vieux Mickey, une chaîne de montre brisée : bric-à-brac de la grande Histoire ou de la nôtre, butin déraisonnable, grigris, fétiches qui hantent la mémoire ou la maison, butin aussi déraisonnable que nécessaire et captivant.
Cette fascinatio nugacitatis, cet enchantement de l’insignifiant, la Sagesse a beau jeu de la condamner. L’attachement qui persiste témoigne d’une toute-puissance des choses qu’il s’agit d’évoquer et de comprendre.
Marianne Alphant