Être soi-même – Les SirènesLa Chaire du Louvre
4 Décembre 2023
Être soi-même – Les Sirènes
La Chaire du Louvre
4 Décembre 2023
Conférence de la Chaire du Louvre 3/5
par Barbara Cassin, de l’Académie française
Ulysse, modèle de l’Être
Avec la participation d’Emmanuel Lascoux, Aude Wacziarg-Engel et Françoise Barbe
Ulysse passe au large des Sirènes, il bouche les oreilles de ses compagnons et se fait ligoter au mât pour résister à l’attrait de leur chant.
On entendra le son des hexamètres grâce à la diction d’Emmanuel Lascoux, avec la voix des Sirènes en rupture —celle d’Aude Wacziarg-Engel.
Elles n’ont pas l’air de dire grand-chose pourtant : « Viens ici, Ulysse tant vanté, honneur de l’Achaïe... » (XII, 184). Mais les mots qui décrivent Ulysse « lié dans un lien douloureux, planté là au sol droit sur l’emplanture » (XII, 158-164) sont ceux-là mêmes que choisira deux siècles plus tard Parménide, le « premier à », le « père » de la philosophie, dans son poème Sur la nature ou sur l’être, pour décrire la sphère de l’Etre (fr.VIII, 26-34) telle qu’en elle-même l’éternité la change. C’est ainsi qu’on passe du muthos, mythe, récit, épopée, au logos, discours et raison : l’Être est comme Ulysse. Je propose d’ouvrir un contrepoint avec la manière dont Hélène imite la voix de des femmes des guerriers grecs cachés dans le cheval : elle les appelle un par un par son nom, chacun avec la voix de sa femme. C’est Ulysse qui, reconnaissant bien là Hélène, « la /une femme » dirait Lacan, leur interdit de sortir (IV, 272-284). Hélène est la cause de la guerre, c’est le sous-texte des poèmes homériques, et on ne cesse de la représenter. Françoise Barbe, conservatrice au département des Objets d’art, le prouvera à travers une tout autre technique non moins accomplie que celle des vases : les Majoliques.
Retrouvez en vidéo les saisons précédentes de La Chaire du Louvre (2009 à 2022), sur Louvre+