
Présentation d'exposition : Jacques-Louis David
14 Novembre 2025
Présentation d'exposition : Jacques-Louis David
ConférencesEn live
14 Novembre 2025
Les conférences de présentation de l'exposition du 20 octobre 2025 sont remplacées par la conférence du 14 novembre 2025 à 19h.
Par Sébastien Allard, conservateur général du Patrimoine, directeur du département des Peintures et Côme Fabre, conservateur du Patrimoine au département des Peintures, musée du Louvre.
Peintre de l’histoire et de ses bouleversements, représentant ses contemporains tout au long de sa carrière, David fait entrer l’art en Révolution. Cette série de conférences abordera l’ensemble de son œuvre, traversé d’un pan à l’autre par un même intérêt pour la mise en scène du pouvoir, collectif ou personnel, tragique ou majestueux.
Sébastien Allard
Normalien, conservateur général du patrimoine, Sébastien Allard est le directeur du département des Peintures du musée du Louvre. Dix-neuviémiste, il s’est tout particulièrement consacré au romantisme, à l’œuvre de Delacroix, d’Ingres et de Corot. Il a été le commissaire de nombreuses expositions internationales, dont la grande rétrospective consacrée à Eugène Delacroix au musée du Louvre et au Metropolitan Museum en 2018 et, la même année, l’exposition « Corot. Le peintre et ses modèles » au musée Marmottan Monet. Son ouvrage, coécrit avec Marie-Claude Chaudonneret, Le Suicide de Gros. Les Peintres de l’Empire et la génération romantique avait obtenu, en 2011, le prix de l’essai de l’Académie française.
Côme Fabre
Côme Fabre est conservateur au département des Peintures du musée du Louvre depuis 2015, après avoir travaillé au musée d’Orsay de 2012 à 2015. Il est chargé des collections de peintures d’Europe continentale (sauf péninsule ibérique), de la fin du 18e siècle au milieu du 19e siècle, et coordonne la programmation des restaurations du département. Il a été commissaire de plusieurs expositions en France et à l’étranger, dont « Charles Gleyre » (2016, Paris) et « Delacroix » (2018, Paris et New York).
Exposition du 15 octobre 2025 – 26 janvier 2026
Hall napoléon
David est un monument. « Père de l’École française », « régénérateur de la peinture », il a créé des images qui hantent aujourd’hui encore notre imaginaire collectif : Marat assassiné, Bonaparte franchissant les Alpes, le Sacre de Napoléon… C’est à travers le àltre de ses tableaux que nous nous représentons les grandes heures de la Révolution et de l’Empire napoléonien, et dans ses portraits que revit la société de cette époque.
À l’occasion du bicentenaire de sa mort en exil à Bruxelles en 1825, le musée du Louvre offre une nouvelle vision sur une personnalité et une œuvre d’une richesse et d’une diversité exceptionnelles. L’exposition met en lumière la force d’invention et la puissance expressive de la peinture de Jacques-Louis David (1748-1825), plus chargée de sensations que ce que l’imposante rigueur de ses tableaux laisse penser.
L’exposition, qui embrasse la longue carrière d’un artiste qui a connu six régimes politiques et participé activement à la Révolution, réunit une centaine de prêts exceptionnels, dont l’imposant fragment du Serment du Jeu de Paume (dépôt du musée du Louvre au château de Versailles) et la version originale du célèbre Marat assassiné (Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, Bruxelles), sommet de son art.
Seul le Louvre est en mesure de relever un tel défi car il conserve le plus important ensemble au monde de peintures et de dessins de l’artiste, à commencer par ses toiles de très grand format. La dernière grande monographie consacrée à David avait été organisée au Louvre et au château de Versailles, en 1989 pour les célébrations du bicentenaire de la Révolution.
À la lumière des recherches menées ces trente dernières années, l’exposition de 2025 présente une nouvelle synthèse qui donne à voir la richesse inédite d’un parcours qui mêle l’artistique et le politique. Car il ne fut pas qu’un artiste témoin de cette période fondatrice de l’histoire de France qui court de 1748 à 1825 : il voulut en être un acteur de premier plan. Nul autre peintre n’a autant surplombé son époque, tant par son rayonnement artistique étendu sur l’Europe entière, que par les hautes fonctions politiques qu’il a occupées en 1793-1794 aux côtés de Robespierre, dont il paya le prix comme exilé politique à la chute de Napoléon.
S’agissant d’une rétrospective, le parcours de l’exposition suit un plan chronologique, précédées d’un prologue évoquant la laborieuse quête du Prix de Rome, que David échoue par trois fois à obtenir. L’exposition met l’accent sur plusieurs thèmes forts qui permettent de comprendre en quoi l’art de David nous parle aujourd’hui tout particulièrement.
David, homme à la nature complexe et difficilement saisissable, adulé par les uns et haï par les autres, est pétri des contradictions, mais aussi des espérances et de l’énergie qui sont celles d’une des époques les plus fécondes, les plus instables et les plus bouillonnantes de l’histoire de France, un moment fondateur de notre modernité. Regarder l’œuvre de David, c’est poser la question de l’engagement dans une société en pleine mutation.
Son engagement politique se construit peu à peu, sous l’Ancien Régime, dans les cercles libéraux favorables à une monarchie constitutionnelle, pour lesquels il peint la mythique Mort de Socrate (New York, Metropolitan Museum). Puis il se rapproche de Robespierre, est élu député de Paris et vote la mort de Louis XVI. Pendant les deux ans de la Terreur (1793-1794), il occupe plusieurs postes éminents, notamment : membre du Comité de l’Instruction publique, président du club des Jacobins, membre du Comité de Sûreté générale, et même président de la Convention nationale. Il organise les grandes fêtes révolutionnaires, les funérailles nationales et les panthéonisations, peint les tableaux des martyrs de la Révolution : Le Peletier, Marat et le jeune Bara. A la chute de Robespierre, il échappe de justesse à la guillotine, est emprisonné en 1794 et assigné à résidence en 1795. A partir de 1799, fasciné par Bonaparte, dont il exécute le célèbre portrait à cheval franchissant les Alpes, à la fois produit de la Révolution et celui qui réussit à la clore, il se met à son service. Après la proclamation de l’Empire, il se rêve en nouveau Le Brun, ce que Napoléon, méfiant, ne lui concèdera jamais. Premier peintre de l’Empereur, il immortalise la scénographie du pouvoir dans le tableau du Sacre. Avec le retour des Bourbons sur le trône, en tant que régicide, il doit s’exiler mais rapidement le gouvernement cherche à faire revenir à Paris le « père de l’Ecole française ». En vain. Il s’installe dans le rôle du Commandeur à qui l’Europe entière, du roi de Prusse à Géricault, vient rendre hommage pendant que ses tableaux ouvrent le parcours du musée premier musée d’art contemporain, le musée des artistes vivants, inauguré à Paris en 1818 au palais du Luxembourg.
Tout cela pourrait n’être qu’un rappel biographique si l’expression artistique de David n’était pas aussi intimement liée à son engagement politique, qu’il soit profondément sincère sous la Révolution ou opportuniste sous l’Empire. David offre l’exemple rare d’un cas dans lequel on ne peut pas dissocier l’homme et l’œuvre sans dévitaliser l’un et l’autre. Il est guidé par une éthique de l’action, sous-tendue par la notion de gloire : « peindre c’est agir ». Homme très cultivé, au fait des réflexions de l’élite intellectuelle, la peinture est pour lui un instrument du changement politique et moral. Son art est d’essence publique et doit avoir un impact sur la société.
David fait le choix classique pour s’adresser à son époque et cela va lui permettre de mettre en image l’air du temps. En se référant à l’antique, le peintre va incarner les aspirations d’hommes et de femmes qui passent du statut de sujets d’un monarque à celui de citoyens. Travaillant toujours simultanément à ses deux domaines de spécialité que sont la peinture d’histoire et le portrait de ses contemporains, il avance dès lors d’un pas sûr dans son époque en s’employant à révéler la continuité entre deux espace-temps : son présent historique et l’Antiquité héroïque. Aussi, l’épithète « néoclassique », souvent associée à son inspiration est-elle insuffisante car elle tend à la réduire à un formalisme abstrait. Or, au centre de l’art de David réside un véritable projet artistique bien sûr, mais aussi politique, moral et social.
Le premier point culminant des débuts de la carrière de David est le grand coup frappé en 1784 avec le Serment des Horaces (musée du Louvre). Ce tableau à la modernité radicale, qui frappa par son audace et l’austérité de sa composition l’Europe entière, est considéré comme « l’an I de la peinture moderne ». Il anticipe le Serment du jeu de paume, toile monumentale destinée à célébrer cet événement fondateur de la Révolution qu’il ne terminera jamais, le temps de l’histoire étant plus rapide que celui de la peinture.
Puis il exécute ce qui est considéré comme l’icône de la Révolution : Marat assassiné, tableau qui réalise la fusion idéale de la peinture d’histoire, de la peinture religieuse, du sujet contemporain et du portrait et sur lequel Baudelaire, quelque 50 ans plus tard, écrit l’un de ses plus beaux textes. Ce tableau, avec, en 1800, Bonaparte franchissant les Alpes constituent, l’une des plus puissantes images de communication politique, celle qui, par sa radicalité, s’inscrit définitivement dans la mémoire.
Il revient sur le devant de la scène en 1800 avec Les Sabines, œuvre où les femmes jouent le rôle central, car ce sont elles qui arrêtent les guerres fratricides entre Romains et Sabins. Ce tableau de la réconciliation après la Révolution est contemporain de ses plus célèbres portraits de femmes, en particulier celui de Madame Récamier laissé inachevé à la suite d’une brouille avec son modèle ou celui de Mme de Verninac, la sœur d’Eugène Delacroix. Dans ces œuvres, il attache une grande importance à la mode à l’antique, dont il avait été l’un des promoteurs au théâtre.
Son goût pour le théâtre, l’incite à produire ce qu’on pourrait qualifier de première « installation immersive » de l’histoire de l’art. En effet, il expose son tableau des Sabines, puis celui du Sacre et sa dernière toile Mars et Venus, face à un grand miroir da façon que les visiteurs soient immergés dans la peinture. David est aussi un expérimentateur.
Dans les dernières années de sa vie, exilé à Bruxelles, il produit des œuvres mythologiques, grinçantes souvent, sarcastiques pour certaines, dérangeantes parfois, où le réalisme ronge peu à un idéal qui se dissous dans la société prosaïque et temporairement pacifiée des années 1820.
L’une des constantes de la vie et de l’art de David est sa fervente défense de la liberté, tant politique qu’artistique. En raison de l’action conjuguée de son immense talent et de sa conscience politique, il a eu l’autorité nécessaire pour imposer une réforme des arts qui allaient bien au-delà de la « régénération » souhaitée par les autorités à la fin de l’Ancien Régime et qui a contraint les générations suivantes à se situer par rapport à elle.
La manière dont il a dirigé le plus grand atelier de l’histoire de la peinture, avec celui de Rubens au XVIIe siècle, en est une manifestation éclatante. David va former trois générations de peintres issus de toute l’Europe et qui domineront la scène artistique jusqu’au milieu du XIXe siècle. Il y revendique dès le début la liberté de l’artiste, en réaction au système académique qu’il juge sclérosé. Le premier atelier, qui rassemble parmi les plus brillants de ses élèves (Gérard, Girodet, Gros), fonctionne sur le mode de l’émulation.
David est un artiste qui s’est sans cesse réinventé, notamment au contact de ses élèves, loin de l’image monolithique que l’on peut avoir de lui. L’exposition présente dans plusieurs espaces du parcours des œuvres de ses élèves en contrepoint des siennes et tout particulièrement d’Ingres, qui trahit les principes du maître. Cela permet de sortir David de son isolement et d’évoquer les logiques d’émulation, imitation, incompréhension ou rejets entre David et ses contemporains. Cet atelier est aussi le premier largement ouvert aux femmes, ce qui est pour lui une autre façon de contester les règles de l’Académie.
La scénographie est signée Juan-Felipe Alarcon et le graphisme de Philippe Apeloig.
