« Des plaisirs qu’on apris a ces innocens jeux,
Qui jadis amusoient nôtre enfance passée,
Dès que la mémoire est une fois éfacée,
On a vû de ses jours couler les plus heureux. »
Claude Gillot
21 mars – 23 juin 2024
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L’univers bachique dans l’œuvre de GillotClaude Gillot
L’Enfance, de la série des Quatre Âges du Satyre
Vers 1700-1705
New York, The Morgan Library & Museum, Inv. 1986.20
Seul des quatre dessins de la série des Quatre Âges du satyre à nous être parvenu, L’Enfance donne le ton quant à la qualité supposée des trois autres représentations allégoriques de cette série dessinée par Gillot au début des années 1700 : L’Adolescence, La Virilité et La Vieillesse, œuvres indissociables d’une seconde série sur le thème de La Vie des satyres.
Depuis l’Antiquité, la pensée classique proposait un découpage en trois âges dont Gillot prend ici le contrepoint en adoptant un système à quatre âges, calqué sur la division de l’année en quatre saisons.
Les amusements de l’enfance, un bonheur éphémère
Tel le reflet d’une société mouvante, prenant davantage en considération les enfants en tant qu’adultes en devenir, le rôle de l’éducation se développe en ce début de XVIIIe siècle et passe désormais aussi par le jeu, que Gillot représente en dotant les petits satyres de jouets en bois. Ces activités insouciantes enseignent en réalité les codes de la vie en société et contribuent à créer des souvenirs heureux, comme en témoigne la lettre de la gravure écrite par Ferrarois (BNF) décrivant de manière moralisatrice la composition :
Gillot et l’univers des satyres
Depuis l’exécution des suites des Fêtes des dieux et sur des Passions des hommes exprimées par des satyres entre 1695 et 1700, l’artiste s’est attaché à ces figures mythologiques hybrides héritées de l’Antiquité. Mi humaines, mi animales, ces créatures du cortège dionysiaque ont une réputation de grossièreté et de libertinage. Dans L’Enfance, Gillot donne à voir une nymphe à demi dénudée veillant sur sept petits satyres jouant et faisant leurs premiers pas. Cet anthropomorphisme audacieux et affirmé dans son œuvre lui permet ainsi de représenter indirectement les évolutions de la société, tout en s’éloignant des codes de représentation en vigueur dans les arts.
Une technique singulière : la « rosaille »
Le dessin de L’Enfance, au rendu grivois et humoristique, est remarquable par la technique picturale utilisée, appelée « rosaille », mélangeant à la gouache des teintes rouges et blanches par différentes superpositions pour offrir à la composition un effet de douceur, de velouté et d’harmonie des tons sans pareil. Avec cette feuille d’une grande noblesse, Gillot démontre sa parfaite maîtrise de l’art du dessin, et plus particulièrement de la sanguine, préfigurant l’art de son élève Antoine Watteau.
Dans l'univers des satyres
Claude Gillot, L’Enfance, de la série des Quatre Âges du Satyre, vers 1700-1705, New York, The Morgan Library & Museum, inv. 1986
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