Figures du Fou
16 octobre 2024 – 3 février 2025
Un cadeau impérialKonrad Seusenhofer
Armet à visage de fou d'Henri VIII d'Angleterre
Innsbruck, vers 1511-1514
Fer forgé, repoussé et gravé à l'acide, laiton doré, 35 x 49,5 x 37
Leeds, Royal Armouries Museum, inv. IV.22
Cet armet est le seul élément conservé d’une armure offerte par l’empereur Maximilien Ier au roi d’Angleterre Henri VIII. Objet précieux, ce type d’équipement était utilisé lors des tournois organisés par les grandes cours princières. Le motif de roses, emblème des Tudor, gravé à l’acide autour des trous d’audition des gardes joues, atteste tant du caractère personnalisé de ce cadeau diplomatique, que de son grand raffinement.
Un dessin, conservé au musée des Arts décoratifs de Prague, présente une armure similaire, qui reproduisait en métal un costume de fou à larges bandes de couleurs contrastées, un des thèmes particulièrement populaires pour les travestissements grotesques des mascarades de carnaval.

On retrouve ainsi ces bandes à l’arrière du casque, celles en creux étant à l’origine rehaussées de plaques en argent doré ajourées, au travers desquelles apparaissait un fond textile. Pour compléter ce bonnet de fou, des grelots devaient être fixés aux trous carrés répartis sur la bande à la base de la coiffure. Les cornes de bélier sont un ajout postérieur, qui remplacent les oreilles d’âne en métal ou en tissu d’origine.

La visière présente un masque grimaçant, un sourire forcé découvrant les dents, selon un modèle largement diffusé dans l’espace culturel germanique au début du XVIe siècle. Les lunettes en laiton raillent l’érudit, qui sont également souvent associées au fou, en ce qu’elles déforment la vision du monde.

Quand Maximilien Ier passe commande d’une armure à Konrad Seusenhofer pour en faire don à Henri VIII, ils viennent de remporter ensemble une victoire sur le roi de France à Guinegatte. Le rapprochement entre l’Empire et l’Angleterre se produit dans le contexte des guerres d’Italie et des nombreux renversements d’alliances entre les belligérants. Après la défaite de Louis XII à Novare en juin 1513, les Anglais entendent profiter de sa faiblesse pour regagner les possessions perdues soixante ans plus tôt autour de Calais. Ils nouent alors une alliance avec l’empereur, rival de la France pour le contrôle des Flandres.
Le thème du fou peut paraître un choix étrange pour un présent royal à visée politique. Cependant cette figure, qui semble à l’opposé des valeurs chevaleresques incarnées par le souverain, constitue par contraste un rappel philosophique d’incitation à la vertu. L’empereur souhaitait-il encourager son jeune allié à suivre cette voie ?

Armet en tête de fou
Armet d'Henri VIII
1 sur 5