La Galerie du temps du Louvre-Lens s’offre une cure de jouvence

Le Louvre ailleursLouvre-Lens

Le 16 janvier 2025

Inaugurée il y a douze ans, la galerie du temps a rouvert ses portes au début du mois de décembre. Plus de 250 nouvelles œuvres attendent désormais le public, dans un parcours à la scénographie entièrement repensée. L’occasion d’embarquer pour un voyage à travers le temps et les cultures.

Traverser près de vingt-mille ans d’histoire et d’art en une heure et demi n’est pas une expérience commune. C’est pourtant celle que le Louvre-Lens propose à ses visiteurs depuis le 5 décembre dernier, date depuis laquelle la Galerie du temps accueille à nouveau un public enthousiaste. Une réouverture aux allures de petite révolution, puisque la quasi-totalité des œuvres qui étaient jusqu’ici exposées dans ses 3000 mde béton, de verre et d’aluminium ont été renouvelées. Au total, près de 250 nouvelles pièces ont ainsi été réunies. « Cela fait un an que je travaille sur cette nouvelle présentation, mais ce n’est que du bonheur », s’enthousiasme Nelly Dupré, guide conférencière au musée depuis 2019, devant le Bloc du Roc-de-Sers, un fragment de relief préhistorique vieux de 18.000 ans découvert en Charentes.  « Une pièce épatante », souligne-t-elle, en caressant des yeux la silhouette de cheval taillée dans le calcaire.

Créée en 2012, afin de présenter dans un seul et même espace 5000 ans d’histoire de l’art, à travers des œuvres provenant de différentes époques et civilisations, la Galerie du temps n’a pas perdu sa vocation première. Le respect de cette promesse fondatrice nécessitait toutefois d’en renouveler le contenu en profondeur. Mais pas seulement.

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Vue générale de la galerie du Temps du musée du Louvre-Lens

Nouvelles LED et Poséidon de bronze

Confiée à l’agence AtoY, la scénographie du lieu a elle aussi fait peau neuve. « Auparavant, les œuvres étaient disposées dans la galerie en fonction de leur aire géographique : à droite nous avions l’Egypte, au centre la Mésopotamie, et à gauche le monde méditerranéen. Et plus nous avancions dans la galerie, plus nous progressions dans le temps, de l’Antiquité jusqu’au XIXe siècle, détaille Nelly Dupré. Désormais, la période couverte par les œuvres s’est étendue, et les civilisations dont elles sont issues sont plus nombreuses et se mélangent davantage. » Un élargissement des berges du “fleuve du temps’’ rendu possible grâce à l’engagement, au côté du Louvre, d’autres institutions muséales nationales telles que les Musée d’Archéologie nationale de Saint-Germain-en-Laye, des Arts asiatiques-Guimet et du quai Branly-Jacques Chirac. 

Toujours pourvu d’un bel éclairage zénithal, assorti de nouvelles LED mettant davantage en valeur les œuvres, le nouveau parcours invite à une déambulation non linéaire. « Il faut se laisser aller à suivre les courbes invisibles décrites par les objets », confirme notre guide. Immergé dans une chronologie dilatée, le visiteur-voyageur peut laisser vagabonder son admiration en un mouvement de tête d’une élégante cuillère d’offrande d’Égypte de 1500 avant notre ère à un casque corinthien vieux de 2600 ans. 

Le temps s’écoule ainsi à chaque pas, le long de la frise graduée qui court le long des murs de la galerie. Un Poséidon de bronze, monumental en dépit de ses 30cm et ses 2200 ans, nous foudroie de son regard d’argent. Encore quelques mètres, et quelques centaines d’années, et nous voilà face à un coffre de plomb phénicien. Un matériau que les ancêtres des Libanais allaient sans doute chercher en Cornouailles. « C’est ça qui est fascinant avec cette présentation : elle montre bien que l’humanité est le fruit bienheureux d’un brassage, d’un métissage constant. Et il n’y a rien de choquant à ce qu’une Vierge à l’enfant romane côtoie une statue anthropomorphe du Tchad », illustre Nelly Dupré. L’audace des rapprochements entre les œuvres présentées ne se limite d’ailleurs pas à ces voisinages géographiques inattendus.

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Galerie du Temps Antiquité/Moyen-âge

Un véritable dialogue entre les œuvres

Les courants artistiques qui nourrissent le fleuve du temps sont en effet tumultueux, et il arrive qu’une œuvre contemporaine en remonte le cours. Ainsi de L’ange vengeur, sculpté par Simone Fattal, dont le grès émaillé toise le visiteur au début du parcours. Ou encore du Paria, réalisé en 2020 par le peintre canadien Kent Monkmandont la figure centrale, Miss Chief Eagle (diva flamboyante et alter ego féminin de l’artiste), tourne le dos au chanteur Pierre de Jélyotte, peint sous l’apparence de la nymphe Platée par Charles-Antoine Coypel, en 1745. « Un vrai dialogue entre certaines œuvres anciennes et contemporaines a été instauré. Cela permet de s’apercevoir de la permanence de certaines réflexions, comme celle portant sur le genre, éclaire notre guide. Et puis, cela correspond à la politique d’ouverture totale pratiquée par le Louvre-Lens. C’est d’ailleurs une des spécificités du musée : il est vraiment ouvert à tous les publics, et vit grâce à eux. »

Un décloisonnement qui n’est pas un simple slogan, et trouve un prolongement dans les dispositifs de médiation mis en place dans la galerie. Tous ont en effet été conçus grâce au dialogue entretenu par les équipes du musée et tous les publics, de la consultation des groupes-tests à la co-écriture de cartels en ateliers participatifs. Plus de 200 personnes, de tous âges, voisines et voisins, visiteuses et visiteurs du Louvre-Lens, ont ainsi travaillé à l’élaboration des outils de médiation de la galerie. Un équipage hors normes, à l’image du long fleuve sur lequel naviguent leurs mots.

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