

Frise d’yeux
Mon Louvre par Antoine Compagnon

Frise d’yeux
Quelques jours avant ma réception à l’Académie française, j’étais obsédé par les yeux. Je voyais des yeux partout parce que je m’apprêtais à faire l’éloge de mon prédécesseur, Yves Pouliquen, qui avait été un grand ophtalmologue. Or je ne connais pas grand-chose à la physiologie et à la chirurgie de l’œil. Soudain, sans crier gare, je me retrouve devant une vitrine entière d’yeux, des yeux de toutes les couleurs mais tous de forme quasi identique, des yeux bleus, des yeux verts, des yeux jaunes, des yeux qui me regardent et qui me donnent le vertige, alors que, d’ordinaire, dans un musée, c’est moi qui suis tout yeux, qui me vois comme un œil ambulant (Sully, salle 317, E 1813). Selon la mythologie égyptienne, cet œil, arraché et rendu à Horus, le dieu faucon, est à la fois humain et aviaire. Et ces yeux en faïence, reproduits à l’infini, servent d’amulettes, de porte-bonheur. Ils donnent la santé, la fécondité, la sagesse. Le Louvre est aussi le musée des séries et non seulement celui des œuvres uniques et irremplaçables. L’œil d’Horus m’accompagnera le jour J.