L’inspiration de saint Matthieu

Mon Louvre par Antoine Compagnon

L’inspiration de saint Matthieu

Le thème de l’inspiration de saint Matthieu plaît, j’imagine, à tous les écrivains. Écrire sous la dictée d’un ange, qui n’en rêverait ? Mon tableau préféré n’existe plus : c’est la première version du Saint Matthieu et l’ange du Caravage, pour l’église Saint-Louis-des-Français à Rome, détruit en 1945 à Berlin. L’église avait jugé ce tableau trop réaliste, l’évangéliste ayant l’air d’un paysan et l’ange lui tenant rigoureusement la main, et la seconde version sera plus compassée. Mais la sculpture du Louvre, provenant de la cathédrale de Chartres, est à peu près aussi réaliste que le premier tableau du Caravage (Richelieu, salle 203). L’ange ne touche pas Matthieu, mais son long index, posé quelques lignes au-dessus de celle que l’évangéliste écrit, le guide avec une douce autorité. L’évangéliste est penché sur sa copie, sans un regard pour l’ange, tout absorbé par sa tâche sacrée.