La Porte Stanga restaurée : une métamorphose !

Le bâtiment dont provient ce portail monumental est édifié dans la dernière décennie du XVe siècle pour Cristoforo Stanga, proche du duc de Milan, dont dépend Crémone. Lorsqu’au XVIIIe siècle le palais passe à la famille Rossi, il est profondément remanié dans le style baroque qui le caractérise encore aujourd’hui. De nouvelles transformations interviennent en 1870, au cours desquels l’ancien portail du XVe siècle est démonté. En 1875 le musée du Louvre l’acquiert auprès d’Edouard Vaïsse, collectionneur marseillais.

Chef d’œuvre attribué à Pietro da Rho, sculpteur lombard documenté à Crémone entre 1480 et 1508, ce monument exceptionnel de plus de 7 mètres de haut constitue un véritable arc de triomphe au riche décor sculpté. Le programme iconographique, inspiré de l’antiquité classique, s’articule autour des figures d’Hercule et de Persée, reprenant des modèles de plaquettes ou médailles diffusés par les bronziers d’Italie du nord.

Au registre inférieur, sur les piédestaux triangulaires qui supportent les demi-colonnes, figurent quatre des travaux d’Hercule : Antée, l’hydre de Lerne, le lion de Némée, les oiseaux du lac Stymphale. Au centre deux médaillons présentent, à gauche, l’hydre sous la forme de sept têtes. À droite les trois têtes des Gorgones et celle du cheval ailé Pégase, né du sang versé quand Persée décapita Méduse. Deux figures monumentales des héros encadrent l’arche : Hercule brandissant sa massue d’une part et Persée en armure d’autre part.  Sur l’entablement trois reliefs de centauromachie alternent avec des bustes de profil et des médaillons d’empereurs romains. Le très riche décor est parsemé de rinceaux, de chapiteaux, de frises d’animaux fantastiques et de scènes mythologiques.

Le marbre utilisé pour la porte provient de la carrière de Candoglia, au nord de Milan. Il avait été recouvert d’un badigeon brun foncé très résistant et de couches de cire qui altéraient la lisibilité du décor. Afin d’établir un constat précis de l’état de l’œuvre, des études préalables ont été conduites par Hubert Boursier, avec le concours du C2RMF (Centre de recherche et de restauration des musées de France) pour les analyses, qui visaient également à identifier la nature chimique de la couche brune, formée d’oxalates. De nombreux essais, menés par Hubert Boursier ainsi que par Hélène Susini et Azzurra Palazzo, du service de restauration des sculptures du C2RMF, ont permis de déterminer les meilleures techniques pour sa restauration. L’équipe retenue, sous la direction des restauratrices Adèle Cambon et Annabelle Sansalone, a procédé à l’ablation de cette couche brune au laser et à un léger nettoyage chimique pour enlever les couches cireuses, tout en préservant intégralement la matière originale.   

L’intervention, qui a conservé une légère couleur dorée à la pierre, ce afin de ne pas attaquer la surface originale du marbre, restitue la qualité des reliefs, la modulation des volumes, la clarté des profils, draperies et médaillons. Elle permet de redécouvrir les incrustations de pierre noire qui soulignent le décor. 

Cette importante restauration garantit au public un accès renouvelé à un chef‑d’œuvre dont la lecture matérielle et historique est désormais rétablie. La porte du palais Stanga bénéficie également d’un nouvel éclairage, conçu par l’atelier d’éclairage de la Direction des ateliers d'art et de la présentation des collections, qui permet de mieux apprécier la délicatesse de son décor.